À notre époque, l’usage veut qu’un peintre choisisse un ou deux sujets qu’il reprendra sa vie durant. Le sujet qu’il faisait l’année dernière sera le même que celui de l’année prochaine. (Bien sûr, quand je parle de peintre, je parle de quelqu’un qui vit de la vente de ses tableaux). L’observateur perspicace constatera aussi que l’essentiel de ce qui se peint, du moins en occident, se limite à cinq sujets.
Le sujet de loin le plus populaire demeure sans conteste le paysage, vient ensuite la nature morte, puis le personnage, l’art abstrait et l’art animalier….et souvent un amalgame de ceux-ci.
Comme tant d’autres, j’ai privilégié le paysage, de « faux » paysages, i.e. des paysages québécois fictifs. Cela se fait vite et ce vend bien. À mes débuts, j’ai également barbouillé d’affreux pots de fleurs. Heureusement, comme peu de gens les ont vus, les dégâts sont demeurés limités.
Avec le temps, mes priorités ont changé. Les splendeurs de Charlevoix m’ont amenées à abandonner ce style de paysages pour reproduire avec authenticité les scènes qui m’entourent. La reproduction fidèle est beaucoup plus longue et exigeante à réaliser. Je sens désormais le besoin, sinon le devoir d’immortaliser les beautés de mon coin de pays. Ce besoin se généralise aussi pour toute la province de Québec et pour la ville de Montréal où je passe mes hivers.
De plus en plus, je ressens un désir impérieux d’être le témoin de mon époque et de ma société. Ainsi, j’ai produit deux livres qui illustrent Charlevoix en peinture. Je crois être le seul à l’avoir fait. Je me demande souvent s’il existe d’autres peintres qui ont pris la peine d’illustrer une région ou une ville au Canada. Si un de mes lecteurs est au courant de ce fait, je lui serais très reconnaissant de me le faire savoir. Durant l’hiver, je travaille aussi à peindre toutes les églises de Montréal, en plus des curiosités nombreuses dans cette ville pour en faire un éventuel livre. Enfin, je mijote un quatrième ouvrage ou je rendrais hommage à chacun des villages du Québec. Avant les fusions, il y en avait environ 1200. Un lecteur en a t’il la liste ? J’aimerais bien en avoir une copie.
En parallèle à ma production de paysages authentiques, j’ai exploré, ces dernières années, un univers complètement différent. Il occupe maintenant 95% de mon temps. Ce sont ces nouveaux thèmes que je vous propose ici sur ce site.
Alors que le paysage traduit le monde extérieur, notre environnement le plus évident, il existe d’autres univers, moins immédiats et plus subtils, la musique par exemple, ou le monde du rêve et des élans intérieurs – des sujets infiniment plus complexes et raffinés auxquels on peut s’intéresser.
Coïncidant avec le nouveau millénaire, l’année 2000 fut celle d’un nouveau départ. Tournant le dos aux us et coutumes qui veulent qu’un peintre ne s’éloigne jamais de ses thèmes habituels, j’abandonne le paysage pour me consacrer entièrement aux merveilleux. Les sujets négligés, absents, voir interdits en galeries constituent mon nouveau terrain de jeux. Quand j’utilise le mot « interdit » pour parler de mes sujets, ce n’est pas une figure de style. Toutes les galeries auxquelles j’ai présenté mes toiles fantastiques les ont toujours refusés. Heureusement que mes toiles plaisent beaucoup aux acheteurs sinon j’aurais été obligé de me limité aux sujets habituels. Ce n’est que depuis 2006 qu’une galerie audacieuse expose mes toiles.
Je ne voudrais pas induire le lecteur en erreur en lui faisant croire que ces sujets sont arrivés spontanément autour de l’an 2000. En vérité, il y a longtemps que j’en faisais. Mes premières toiles surréalistes datent du milieu des années 70. Elles étaient rares car beaucoup plus longues à réaliser.
Voici quelques-uns de ces sujets négligés que je privilégie désormais :
- Les scènes philosophiques
Dans ces toiles, je cherche à illustrer les grandes questions existentielles : la mort, la quête incessante du bonheur, etc. Souvent, le titre de l’œuvre donne à la toile tout son sens. Ainsi, une fée se penche, protectrice, sur un bonhomme de neige et le rassure : « ne t’inquiète pas de ton âme au printemps !» - Les scènes humoristiques
Pourquoi ne pas se permettre à l’occasion de badiner ? Voyez ces lutins qui volent un livre avec la ferme intention de le détruire. Mais pourquoi donc ? En voyant le titre dudit livre, on comprend tout : « 101 Recettes pour Apprêter le Lutin » - Les scènes d’architectures
Que de superbes constructions, au fil de l’histoire de l’humanité ! Amoureux d’architecture, j’adore la reproduire et l’ insérer dans des contextes surprenants. Ainsi, au premier plan, je campe une scène de Charlevoix. Flottant dans le ciel, perdus parmi les nuages, des dizaines de bâtiments témoignent de civilisations disparues et rendent hommage à leur grandeur. Devant cette toile, on ne peut que méditer sur le temps qui passe et qui, heureusement, n’efface pas tout. - Les scènes de musique
La musique est omniprésente dans nos vies. Pourtant, on ne voit presque jamais de tableaux d’instrumentistes à l’œuvre ! - Les scènes de danse
Quand on évoque la danse en peinture, le nom de Degas s’impose naturellement. Depuis ce temps, qui d’autre? Cela démontre bien un grand vide. À l’évidence, un thème négligé (sauf en Californie tout au moins). Au début des années 90, j’ai fréquenté une ballerine. Époque merveilleuse ! Cela a évidemment suscité bien des tableaux de danse. - Les scènes d’amour ou de romance.
Que se soit par le fait qu’un couple danse ensemble, que deux enfants se tiennent par la main ou qu’un chevalier enlace sa princesse, il y a mille façons utilisées pour évoquer l’amour. - Les contes et légendes.
Le personnage du lutin est de loin le plus important C’est grâce à lui que j’ai pu faire la transition entre le paysage et les scènes fantastiques. Au début, je peignais des scènes tout à fait normales dans lesquelles un lutin évoluait. C’est de cette façon que j’ai osé passer du « normal » au merveilleux. Dans la catégorie des contes et légendes, n’oublions pas les fées, les sirènes et le Père Noël.
En fait, tous les sujets me sont permis, surtout s’ils sont originaux. À l’inverse, il y a de moins en moins de chance pour vous de me voir peindre un sujet trop commun.
Bien sûr, j’aurais pu peindre mes petits paysages si populaires pour le reste de ma vie, cela était le chemin le plus évident à suivre.
Il est difficile d’expliquer d’ou vient ce besoin de créer. Durant de si nombreuses années, je me satisfaisais de peindre du paysage, quitte à répéter cent fois le même. Le but était de vendre. C’est aussi simple que cela! C’est un but bien légitime, même primordial au début d’une carrière. Par la suite, le besoin de dire quelque chose, d’exprimer une idée, une émotion a pris le dessus. Je suis passé de l’art décoratif à un univers beaucoup plus personnel. Plus le temps passe, plus je sens le besoin de flirter avec l’absolu. La vie pour moi à un caractère sacré. Des millions d’années d’évolution ont été nécessaire pour que nous soyons ici, aujourd’hui, à lire ce texte. Notre vie ne durera que quelques instants. Qu’allons-nous en faire de merveilleux ? Voilà ma principale obsession, celle qui devrait guider la plupart de mes actions.
Quand je pense à tout cela, mon parcours est bien singulier. Imaginez, en plus de trente années à me baigner dans l’univers de la peinture.
Je ne dois pas oublier de dire aussi cette chose si simple; je peins parce que cela m’amuse et que j’ai besoin de vous faire plaisir.
… Quelques-unes de mes idoles en peintures :
Maxfield Parrish, Norman Rockwell, Albert Bierstadt, John Collier, Herbert Draper. Dans les peintres vivants, je n’ai pas d’idole sauf dans la bande-dessinée : François Schuiten et Alex Ross pour n’en nommer que deux. À notre époque, les Maîtres ne me semblent pas être en galerie mais plutôt dans la B.D. C’est ici que l’on retrouve les grands dessinateurs doués de créativité. Pour comprendre le choix de ces maîtres, je dirais que j’ai deux critères pour juger un tableau : Un dessin bien exécuté, allié à la créativité.